BASQUE-FRANÇAIS



             traduction

            







Dans la boue de Verdun

Celui qui ne connaît pas les nouvelles de VERDUN ne connaît pas grand chose de l’adversité. Empilez tous les malheurs, vous n’en dites pas assez ; avec la faim, la soif, tous en y perdant leurs forces.. et, malgré cela, le fusil à la main, les soldats restent dans l’ardeur.

Le chemin du jugement dernier sera probablement ainsi.. Pas d’arbre, pas de pousses, on ne voit pas la moindre fleur. Le royaume de la mort s’étend ici dans les ténèbres, hier ceux-là, aujourd’hui ceux-ci, tous tombent rangée par rangée.

Ils étaient de nouveau dans la tranchée immonde, et, de nouveau, dans la boue et au milieu de la glace, sous la pluie et la neige.

Et, son fusil à la main, au bout d’une tranchée, Pierre était la sentinelle. Devant lui, un tout petit peu embelli par la blanche clarté de la lune, l’endroit pourri de toujours. Dans ce lieu pourri, de-ci, de-là, les corps de quelques soldats français tombés là depuis très longtemps, semblaient se remuer entre de vieux draps sales. Ils n’étaient qu’en train de se décomposer et de se défaire tous les jours un peu plus. Mais il semblait vraiment à Pierre qu’ils bougeaient, se secouaient, presque qu’ils se mettaient debout ! Non ! La lune tout silencieusement se déplaçait, et Pierre, étant resté longtemps à regarder les tas sombres, était en train de dire une prière pour les camarades, morts là, qui demeuraient sans pouvoir être enterrés.

Il y a un vieil adage que tous les basques naissent trouvères (bertsulari). Dans cette belle nuit, là, à quelques pas de l’ennemi, tandis qu’une émotion lui secouait le cœur, Pierre était en train de versifier avec un de ces pauvres morts.. Et, n’était-ce pas un miracle ? un de ces morts lui répondaient en vers,..étant basque lui aussi, il ne pouvait en être autrement.

Et voici comment tous deux improvisaient :

1-Pierre :

Cher camarade soldat,
il y a, à l’instant, un an,
un matin, toi si jeune,
tu es tombé là-même par malheur.

2- Le mort :

Merci mon camarade
au cœur si bon et si agréable,
garde fort, garde en toi,
le souvenir des pauvres morts.

3-Pierre :

De voir tes os blanchis
si prés de nous,
nos yeux se mouillent,
et à tous nous attristent le cœur.

4- le mort :

De t’entendre parler
de cette manière m’émeut ,
tant sont dignes d’estime
ceux qui gardent la mémoire des morts.

5- Pierre :

Pour moi quel plaisir
si je t’avais donné une tombe !
Mais qui peut s’approcher de toi ?
L’allemand reste vigilant !