BASQUE-FRANÇAIS



             traduction

            







LE BERGER DEVENU MONSIEUR

Nous savons tous que le basque n’est pas orgueilleux par nature, et n’a pas, non plus, degrandes ambitions.

Cependant, de temps en temps, peu de fois par bonheur, il nous apparaît un Américain ayant gagné une quantité considérable d’argent, venu à son village natal pour épater les villageois,persuadé que la masse de son argent les écraserait tous, tous ceux qui ne sont pas argentés lui paraissant des cohortes de domestiques. Pauvre âne !

Resté longtemps berger, là-bas dans les montagnes, et plus tard, petit à petit, devenu propriétaire d’un troupeau, voilà que, comme beaucoup d’autres, pendant la grande guerre de 1914, il vend ses brebis à un prix des plus haut, qu’il n’aurait pu rêver, les Américains les ayant achetés en masse, en payant n’importe quoi.

Voilà donc notre homme soudainement enrichi, du soir au matin, et, Diable, un peu trop vite devenu un Monsieur, comment il revient dans son village, vêtu des plus beaux habits, il va parla rue en haut, en bas, tout gonflé de vanité, ses doigts emplis de bagues avec des pierres scintillantes. Et, si quelqu’un s’approche de lui, il lève les mains pour se caresser le menton, pour qu’on voie bien ses bijoux enjoliveurs.

Parfois, un compagnon de jeunesse lui donne l’accolade et lui dit :

« Te souviens-tu Pierre, quelles galettes de maïs nous mangions, avec tant de plaisir, au sommet de l’Adarza, quand nous étions bergers ? Par le Diable, nous n’avions pas alors pour marcher ces belles chaussures que tu as maintenant. Pourtant, je suis sûr que maintenant aussi,tu peux marcher plus à l’aise avec des sabots et des pantalons raccourcis. N’est-ce pas ainsiPeyo ? ».

Et il lui donne une tape affectueuse sur le dos. L’américain est offensé par le rappel de ces choses et il lui répond avec une violence noire :

« Laisse, laisse de côté ces vilains souvenirs. Je ne suis pas venu entendre ces choses »