BASQUE-FRANÇAIS



             traduction

            





L’inondation (2)

L’inondation a aussi effrayé le poisson, l’a complètement troublé, déboussolé. Impossible de vivre dans cette eau sale, épaissie par la terre, ou qui sait quoi. Il y a paraît-il une énorme quantité de poissons morts, tant que, par endroits, on pouvait les ramasser à la main, restés, à la baisse des eaux, dans quelques trous de prairies et de champs. De Bayonne à Villefranque, il y en a paraît-il qui ont ramassé de pleins paniers de truites, aloses et autres poissons. L’un d’eux disait : " Puisque cette année nous n’attendons ni blé, ni maïs, ni foin, si nous n’avons rien d’autre, allons voir si, au moins, nous avons du bois et un peu de poisson. "

Il n’y a pas là de quoi s’amuser. Les dommages doivent être terribles : toute la récolte au bord de l’eau perdue. Dans les bas, toutes les terres vilainement souillées par la boue rouge et les déchets.

Quel travail pour les vider, pour les nettoyer, pour les rendre en mesure de donner un peu de regain.

Tout le monde craint qu’en allant de berge en berge, plus en amont, ces pertes ne soient plus grandes.

Selon toute vraisemblance, combien de terres travaillées les eaux n’ont-elles pas emportées à profusion dans tous les prés et les champs.

De cette façon l’eau, en tourbillonnant sans cesse, emporte un tel volume de terre de la montagne à la mer. A Bayonne, on prenait l’eau à plein seaux sur la berge pour voir ce qu’elle contenait, et combien elle était épaisse. Une bonne moitié de terre allait de suite au fond.

Combien de charretées ont pu aller d’un endroit à l’autre !

Tout le lundi après-midi on n’eut aucun renseignement précis là-dessus à Bayonne.

Cette terrible trombe d’eau a duré toute l’après-midi et toute la nuit, emportant n’importe quoi.

Tous disaient que, de mémoire de vivant, jamais personne n’avait vu pareille chose dans cette région.

Oui, les eaux débordent en ville et partout après la fonte des neiges ou une longue période de grandes pluies, mais pas de cette façon .

Vraiment, qu’est-il arrivé, et où ? Jusqu’au lendemain, nous n’avons pu rien savoir de précis.

Jean Hiriart-Urruty, aussi connu sous le pseudonyme "Manex", né le 30 janvier 1859 et mort le 4 novembre 1915 à Hasparren,
est un prêtre, professeur et journaliste basque français. Jean Hiriart-Urruty, par son travail,
a jeté les bases du journalisme en langue basque. Il sera par conséquent un précurseur et un modèle
pour les auteurs des générations futures ("Oxobi", "Zerbitzari", Jean Etxepare , "Larreko" , etc)
et comme le décrit Koldo Mitxelena "un maître de la prose".