BASQUE-FRANÇAIS



             traduction

            







Le printemps

Dés ce jour-là Pierre de Oihanalde s’en allait allègre. Depuis le moment où le monde fût fait monde, le chant que Dieu en personne apprit à la plupart des hommes se manifestait tout au fond de son cœur.

Et, donc, ainsi, vite après, tous les alentours commencèrent à chanter eux aussi, sans doute pour faire comme le cœur de Pierre.

Le printemps arrivait, tout vert, complètement vert, tout amour. Il lui semblait, là dans son intérieur là, que toutes les veines de la terre du pays-basque étaient en train de gonfler, et que cette terre, comme une bonne mère, donnait son sein à toutes choses, et à toutes en même temps. On pouvait déjà deviner mille bruits dans les champs, les prairies, les landes, comme si, prés de l’écorce terrestre, quelques mystérieuses fourmis étaient en train de la griffer, par besoin de sortir dehors. Les saules et les peupliers avaient déjà commencé à bourgeonner sur les berges des rivières.

Le vent du Sud, en tournoyant, descendait des grandes montagnes de Navarre, il pouvait apporter avec lui un très chaud baiser du soleil, après avoir dévoré de baisers les montagnes, tandis que ces montagnes fondaient en eau leur joli vêtement blanc. Qui donc a dit que le vent du Sud est un sorcier du Pays-Basque ? Un sorcier oui, mais parmi les sorciers le plus aimable, au printemps comme en automne, les choses que fait le sorcier sont toutes aimables.

Le Vent du Sud tournoyant sur les bords des montagnes
Stimule le sang dans toutes les veines
Avec joie je ferai un entre-chat de danse.

Mais toutes les sorcelleries doivent se payer en ce monde. Voici maintenant que toutes les neiges des montagnes descendent en sautant avec fracas des rochers. Et dés qu’elles ont atteint les vallons et les plaines, tout de suite, comme si elles étaient vexées, elles devenaient toutes noires, et se mettaient dans une grande colère. Vraiment méchantes, elles pouvaient tout emporter avec elles, jusqu’à la mer, au bout de leur colère, en mordant la croûte des terres, en emportant les arbres par les racines. Quelques grands hêtres, complètement allongés, arrivaient, racines en avant, charriant encore avec eux la terre aimée à laquelle ils s’étaient accrochés pendant tant d’années.

Jean Barbier, né le 9 juillet 1875 à Saint-Jean-Pied-de-Port
et mort le 31 octobre 1931 à Saint-Pée-sur-Nivelle, est un prêtre
et écrivain basque d'expression navarro-labourdine.