BASQUE-FRANÇAIS



             traduction

            







La maison (3)

Il aimait tout dans cette chère maison, tout alentour de la maison, les champs, les prairies, et la vigne féconde, les buissons pleins d’oiseaux, la fontaine qui était en train de babiller glou-glou-glou cachée dans un petit trou, le bleu du ciel autour de la maison. L’air, le vent aussi brassait de la terre d’Oihanalde, surtout le parfum des feuilles et des fleurs, les terres voisines n’avaient pas cette odeur particulière là, ainsi, du moins, semblait-il à Pierre. C’était un grand devoir pour lui que d’aimer cette terre avec cœur. Le Seigneur n’avait-il pas, paraît-il, façonné le premier homme avec une poignée de terre ? Ne devaient-ils pas tous devenir une poignée de terre un jour ? …

Les travaux de tous ceux qui jadis étaient morts à Oihanalde n’avaient-ils donc pas façonné toute cette étendue de terre ? N’était-elle pas au moins à demi sainte pour ceux qui étaient venus à la suite ? Comme un jour on racontait devant lui que le grand-père, autrefois, n’était jamais passé sur les terres du voisin, qu’en faisant tomber sur sa terre la terre de ses sabots ! Alors Pierre en avait ri. Mais, maintenant, même s’il ne faisait pas entièrement comme le grand-père, il lui semblait qu’au moins il ne fallait plus rire d’une telle chose aimée. Et, quelquefois, comme par hasard, ne lui était-il pas arrivé, de penser en son fort-intérieur : quelles seraient les mottes de terre que grand-père garderait ainsi?

Oui, comme le prêtre est fait pour le service de l’autel, les paysans étaient faits pour la terre. Ils ne devaient pas en vivant devenir terre, mais laissant l’âme voler au dessus d’eux à tire-d’aile, ils devaient avoir les bras et les jambes liés à cette terre, ils devaient vivre en lutte avec cette terre, et, renonçant à vivre ils s’éloignaient donc, les basques allaient du village à la ville. La terre n’ayant pas assez de bras, y aurait-il à l’avenir assez de pain pour les gens, pour les basques partis du village et pour les autres ?