BASQUE-FRANÇAIS



             traduction

            







La Guillotine (3)

Ils disent que, en coupant le cou, par inadvertance, à celui qui n’est pas coupable, ce cou on ne peut pas le recoudre aux épaules ; que celui qui est vivant, même après des années, sachant qu’il n’est pas coupable, il pourrait sortir de prison; ils disent que vous ne pouvez pas ressusciter un mort.

Tous ceux-ci sont ainsi, les uns contre, les autres pour, dans ce débat actuel à l’Assemblée Nationale ceux qui voulaient supprimer la guillotine n’ont pas dominé. Les autres l’ont emporté de cent et quelques voix.

Parmi ceux de notre département le ministre Barthou était seul, avec tous ses collègues ministres, en faveur de ceux qui voulaient la supprimer. Tous les autres étaient de l’autre bord.

Parmi les rouges et les noirs les plus progressistes et jusqu’aux blancs les plus modérés, certains étaient pour, les autres contre, ils ont donné leur voix sans aucun parti pris, ils ont voté oui ou non, chacun selon sa convenance.

J’ai mal dit, tous les rouges progressistes, ou presque tous, étaient pour la suppression. Les rouges modérés et les blancs sont allés des deux côtés, et, malgré cela, la guillotine l’a emporté.

Si c’est un vilain engin, qu’il soit aussi vilain qu’on veut, c’est parce qu’elle est ainsi qu’on en a besoin, pour que la justice ait la force et le moyen ; pour que, si la vue de la guillotine au loin ne donne pas à tous des frissons, qu’elle fasse trembler au moins quelques assassins.

Ce n’est que pour dire : il y a deux prêtres députés : l’un, Lemire qui a plus de cœur que de tête; car il donnerait volontiers le oui et le non à tous ceux qui ont soif, ceux que certains vous promettent, lui, il le donnerait à tout le monde ; oui , et aussi du vin par paniers, s’il le pouvait. Parce que lui est plein de bonnes intentions, il pense que les autres le sont aussi. Il a voté pour qu’on supprime la guillotine.

L’autre prêtre député est Gayraud. Celui-là est plus doué de tête, plus droit, bien que n’étant pas sans cœur. Lui aussi, ceux qui disaient qu’il valait mieux supprimer la guillotine l’ont un peu ébranlé ; il est resté hésitant, sans voter, sans savoir, paraît-il, de quel côté donner sa voix.

Il y a de grandes raisons d’aller des deux côtés, la raison ne serait que d’un seul côté si les gens n’ étaient pas en train de devenir méchants, et si le nombre des meurtriers n’augmentaient pas d’année en année.

L’ayant supprimée, après qu’eux aient augmenté encore davantage, où en serions-nous ?

Jules Lemire. 1853 - 1928

L'abbé Hippolyte Gayraud, né le 13 août 1856 à Lavit (Tarn-et-Garonne) et mort le 16 décembre 1911 à Bourg-la-Reine (Seine) député du Morbihan.

Jean Louis Barthou dit Louis Barthou, né le 25 août 1862 à Oloron-Sainte-Marie (Basses-Pyrénées) et tué lors de l’assassinat du roi de Yougoslavie le 9 octobre 1934 à Marseille.